Une rencontre improbable
08 octobre 2017 - 25x
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Une rencontre improbable
La rencontre est étonnante. Le chanteur Stromae et le grand couturier Karl Lagerfeld ont été contactés par le journal Libération pour un entretien commun. C’est une idée originale de la rédaction, pour son édition du week-end, que de mettre en relation deux personnalités que les sphères d’intérêt et d’influence ont peu de chances de réunir. Petit coup de pouce au destin, la rencontre est arrangée. Mais de fil en aiguille, la curiosité aidant, les deux protagonistes se découvrent des points communs, et cette surprise est un plaisir qu’ils partagent avec les lecteurs.
Des rencontres insolites, imprévues ou intenses viennent parfois rythmer le cours de notre vie. Ou peut-être notre solitude est-elle devenue un manteau trop confortable pour que nous voulions bien nous en débarrasser un moment… Peut-être la conscience aigüe de notre vulnérabilité nous bloque. Ou encore, notre timidité a fini par nous persuader que nous ne sommes pas capables de trouver les bons mots au bon moment. Nous restons donc sur une réserve pudique, quitte à passer pour indifférents.
Dans les récits des évangiles, le Christ se risque souvent à des rencontres improbables. Il ne craint pas le mélange des genres, si bien qu’à travers son contact avec la femme samaritaine, le docteur de la loi Nicodème ou encore le jeune homme riche soucieux d’acquérir la vie éternelle, c’est un choc des cultures qui s’opère. Mais avec Jésus, l’événement ne s’en tient pas à ce qu’il peut avoir de gênant, de troublant, de violent. Il y a toujours, in fine, une parole qui construit, un encouragement, une réassurance émotionnelle et affective. Ce qui contribue à attirer à Jésus tous les handicapés, y compris les handicapés des relations sociales. Chacun peut être sûr de trouver auprès de lui un accueil inconditionnel.
Aussi, je suis toujours un peu décontenancée lorsque je lis, dans l’évangile de Marc, la rencontre du Christ avec la femme syro-phénicienne ou grecque. Donc une femme qui n’est pas de son bord. D’abord parce qu’elle n’est pas juive. Ensuite, parce que c’est une femme et qu’à l’époque, les relations avec le sexe opposé sont très balisées. Voilà une rencontre qui décape ! Sauf qu’ici, il n’y a personne pour organiser l’entrevue, faire les présentations, jouer les médiateurs. Dans un premier mouvement, Jésus semble même repousser l’importune. Comment cette femme, qu’il ne connaît pas, qui n’est même pas juive, a-t-elle pu se faufiler pour entrer dans la maison où il espérait profiter d’un repos largement mérité ?
Aucune des circonstances du récit n’est favorable à cette rencontre. Ce n’est pas le bon moment : Jésus est là incognito, en mode pause, espérant échapper pour quelques temps aux sollicitations. Ce n’est pas le bon lieu : il n’est pas dans le contexte amical d’une maison qu’il connaît ou d’une adresse familière. Personne n’est censé le trouver ici… Et nos deux protagonistes, un homme et une femme d’origine ethnique différente, ne devraient rien avoir à se dire. Pourtant l’échange a bien lieu et la femme obtient la réponse qu’elle attend. Soyons comme elle ! N’attendons pas que le contexte s’améliore, que les circonstances soient propices ou que quelqu’un nous appelle pour organiser un entretien. La rencontre avec le Christ peut avoir lieu ici et maintenant.