Relève-toi et marche
19 février 2020 - 44x
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Tomber, c’est la hantise du cycliste. Prudent, mais jamais protégé, on est toujours vulnérable sur un deux-roues. Et un accident est vite arrivé ! Alors que j’arrivais à Sète après plusieurs heures de pédalage, et même plusieurs jours passés sur mon vélo, la route qui permettait d’entrer dans la ville était très embouteillée. Eté et soleil obligent, les vacanciers se pressaient pour atteindre les plages. Mais sur une bicyclette, on arrive à se faufiler à peu près n’importe où ! Entre les véhicules à tout-touche et un trottoir anormalement surélevé, je filais donc en dépassant tout le monde. C’est un simple rétroviseur qui m’a arrêtée dans ma course. Je n’avais pourtant fait que le frôler… Mais cela a suffi à me déstabiliser et à me faire tomber dans l’étroit goulot que j’empruntais à vélo. Atterrir brutalement sur le sol, c’est sûr, cela ne fait pas du bien. Le pire, c’est tout de même la peur qui vient juste après la douleur. Peur des dégâts physiques, bien sûr, et matériels.
Ce simple moment de stress, dans un cas comme le mien, se transforme en angoisse lorsque le choc ne permet pas de se relever – et cela m’est arrivé aussi ! Difficile de souffrir, mais encore plus difficile de ne pas savoir si l’issue est proche ou sera compliquée. Si l’histoire se contentera de nous laisser un mauvais souvenir ou si les conséquences se répercuteront sur le reste de notre vie. L’attitude de l’entourage immédiat est déterminante pour nous aider à aborder la phase d’incertitude qui succède à l’accident.
Alors que j’étais sur le bitume, encore toute endolorie après ma chute à vélo, la mère de famille qui était installée sur le siège du passager était bien plus inquiète pour moi que pour sa voiture. Elle a été, en quelque sorte, mon bon samaritain ! Comment je me sentais ? Est-ce que je pouvais me lever ? Dans quelque état que ce soit, tomber implique de devoir se relever à un moment ou à un autre, facilement ou non, seul ou accompagné. La posture est presque autant mentale que physique.
Ainsi, il m’est arrivé de chuter et de ne pas avoir envie de me relever. De ne pas me sentir prête à faire face au genre de vie qui allait reprendre après l’accident. Mais il est impossible d’éluder éternellement. Il faut trouver le chemin, le seul parce que le nôtre, singulier et unique, qui nous permettra de nous retrouver à nouveau en position debout. Dans le corps et dans la tête. Alors on se révèle. Notre caractère profond, nos ressources, nos doutes, tout émerge au grand jour. Pour le meilleur et pour le pire, dans l’immédiat, mais souvent pour le meilleur sur le long terme. Terrible constat que de reconnaître qu’il est possible d’apprendre, de grandir, de se transformer et vraisemblablement de s’enrichir avec la douleur ! Pas grâce à la douleur. Pas malgré ou contre la douleur. Mais avec elle, parce que nous ne pouvons échapper à l’insupportable. J’ai souvent cherché, attendu, espéré ou entendu les autres chercher, attendre et espérer le miracle. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’il était déjà là, dans cette possibilité de vivre les événements de manière à ce qu’ils me construisent et non pas à ce qu’ils me détruisent. Sans doute déjà, à mes yeux, un effet de la grâce de Dieu…