La standardisation de nos rêves
29 avril 2018 - 22x
Partager
Deux couples d’amis viennent d’inaugurer leur maison. Je découvre chez le premier un vaste salon, des meubles élégants et sobres, une terrasse bien aménagée. L’autre dévoile sur Facebook les mêmes lignes épurées, les mêmes fauteuils carrés, les mêmes couleurs. Certes, les lieux sont moins spacieux et les fournisseurs peut-être moins prestigieux. Les deux couples n’évoluent pas dans le même contexte socio-professionnel. Le budget n’est donc pas le même. Il est d’autant plus troublant de constater combien les projets se ressemblent, d’un point de vue esthétique. Traversés malgré nous par les tendances du moment, nos rêves sont soumis aux lois de la mode et du marché.
Cela s’est exprimé de manière visible dans les maisons respectives de ces deux couples d’amis. Mais… qu’en est-il de la direction que nous donnons à nos vies, de manière beaucoup moins apparente ? Dans quelle mesure notre projet de vie, au sens le plus global du terme, est-il influencé par ce que nous percevons de la vie des stars dans les magazines ? Par ce droit au bonheur qui fleurit en couverture de certains ouvrages consacrés au développement personnel ? Au-delà des idées et des personnalités médiatiques qui caractérisent une époque, est-il possible de construire un projet de vie singulier, je veux dire par là « original », un projet de vie qui correspond à qui je suis vraiment ?
Les tableaux si personnels et pourtant si semblables des maisons de mes amis m’ont poussée à m’interroger. Ils m’ont fait revenir à ce que je tente de mettre au centre de mon existence : l’Évangile, et à l’influence de son message. Nouvel étonnement : 2000 ans après la venue du Christ en ce monde, l’exemple qu’il a donné n’a rien perdu de ses effets décapants ! Je le trouve toujours aussi bousculant et peut-être excitant. Le souci de Jésus n’a jamais été d’être à la mode. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’a jamais été considéré comme ringard non plus. L’Église peut être considérée comme dépassée, mais Jésus reste inclassable dans l’histoire. Bien sûr, on peut ne pas être d’accord avec lui, ne pas être intéressé, ne pas croire que le chemin qu’il propose va changer le monde.
Pourtant, son engagement, sa disponibilité, son inversement des valeurs liées à la réussite inspirent toujours une partie de l’humanité. En ce sens, je dirais que le projet dans lequel il nous propose d’entrer est intemporel. Non seulement il est intemporel mais en plus, il est sur-mesure pour chacun d’entre nous. C’est à mes yeux sa plus grande force. En quoi consiste ce projet ? En grande partie de ce que nous sommes prêts à y mettre et à la qualité de notre collaboration avec Dieu pour le construire. Il y a simplement un cadre, des balises, des repères. Il n’y a ni plan déjà tracé, ni passe-partout pour ouvrir les portes qu’on veut quand on veut. Juste un espace de création à découvrir, à explorer et à exploiter.
Et je crois que malgré tout ce qui n’a pas marché dans notre vie comme nous l’aurions voulu ; malgré tout ce que nous n’avons pas choisi et dont nous subissons les effets jour après jour, cet espace est encore celui de la liberté, le seul qui reste quand les hommes et les circonstances sont contre nous. Même, et peut-être surtout, si nous sommes des victimes. Le plan s’adapte pour ne pas nous laisser dans l’impasse, pour peu que nous soyons d’accord avec cette approche.