Mon droit au bonheur
11 juin 2017 - 14x
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Le droit au bonheur, le droit à l’enfant, le droit d’avoir sa part d’amour... Pour rendre le monde plus juste, nous mettons la vie au pied du mur et nous la sommons de se soumettre. Nous parlons de droit, comme si c’était à mettre sur le même plan que le droit de vote, le droit à l’éducation ou même le droit à un niveau de vie décent. C’est oublier que si l’Etat peut faire respecter les dispositions prises par la loi, la loi de la vie, elle, s’applique en dehors de tout contrôle.
A avoir recours abusivement à la notion de droit, nous risquons de tomber dans l’absurde : pourquoi n’aurions-nous pas tous le droit de nous habiller chez Dior, le droit de rouler en voiture de luxe, le droit de partir en voyage à l’autre bout du monde, etc. ? Précisément parce que la question ne se pose pas en ces termes et que derrière une forme de justice (j’ai fait plus d’études donc je gagne plus donc j’ai accès à plus de possibilités) se cache l’injustice (nous ne sommes pas tous égaux à la naissance, nous n’avons pas tous le même QI, notre mérite n’est pas toujours pris en considération...).
Nous avons beau souscrire à des assurances, qui elles-mêmes souscrivent auprès d’autres assurances, nous ne pourrons jamais être indemnisés pour tous les dommages de la vie. Qu’est-ce qui peut réparer les dégâts existentiels d’une famille brisée, d’une entrée en guerre, du terrorisme... ? Pourtant, les Syriens et les Irakiens (pour ne parler que d’eux) n’ont-ils pas droit à la paix et au bonheur ?
Raisonner en termes de droit ne nous pousse à voir que ce qui nous manque. Ce n’est pas sans conséquences : nous n’apprécions pas à leur juste valeur les biens (matériels ou non) qui sont à notre portée, nous oublions d’être reconnaissants. A force de garder les yeux fixés sur ceux qui ont ce que nous aimerions avoir, nous perdons toute capacité à relativiser par rapport à ceux qui ont moins et qui ont besoin de nous. Pire, nous perdons conscience que rien de ce que nous possédons ou de ce que nous cherchons à posséder ne nous appartient vraiment ! Surtout, nous risquons de nous lancer dans un bras de fer avec la vie dont il ne peut rien sortir de constructif : qui peut exiger que l’existence lui donne un travail, une bon niveau de vie, une famille, de l’amour et du bonheur – quand bien même cela est légitime ?
S’il faut bien sûr continuer à se battre contre l’injustice et persévérer à obtenir ce qui nous est important, ce n’est pas parce que nous revendiquons des droits mais parce que cela nous construit. Pour autant, sur ce chemin il faudra faire de la place à la frustration et à la déception : on n’a pas toujours gain de cause…
Dans la lettre qu’il adresse aux membres de l’église de Philippe, l’apôtre Paul écrit : « [...] j’ai appris à me contenter de l’état où je me trouve. Je sais vivre humblement comme je sais vivre dans l’abondance » (Philippiens 4.11-12). Ce n’est pas pour dire que la pauvreté, c’est bien. Encore moins pour nous donner un prétexte pour ne pas la combattre ! Mais pour nous ouvrir un chemin d’espérance : face à ce que nous ne pouvons pas changer dans notre vie, il est encore possible de composer. Je crois que c’est une bonne nouvelle. Parfois, le miracle n’est pas de voir une situation se transformer. C’est, contre toute attente, en dépit des obstacles et de nos forces limitées, arriver à se frayer un chemin qui nous permet d’avancer.