La première fake news
02 juin 2019 - 31x
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Qu’est-ce qui fonde nos croyances ? Alors que la suspicion générale règne sur les médias mais aussi plus largement sur toutes les sources officielles d’information, je m’interroge... Comme un signe suprême d’esprit critique, on se tourne vers de nouveaux circuits de connaissance – qui ne sont bien souvent que les réseaux sociaux, soucieux de créer du buzz… On fait confiance à la parole de nos amis, injectant – inconsciemment, bien sûr – de l’affectif alors qu’on reproche toujours à l’information de n’être pas assez objective.
La première fake news de l’histoire – selon la Bible – montre l’ancienneté de toutes ces questions. Elle se trouve dans le livre de la Genèse, lorsqu’Eve dialogue avec le serpent (Genèse 3.1-7). Vous savez, ce fameux moment où la femme finit par croquer dans le fruit ? Mais d’abord, le serpent instille le doute. Dieu a donné une règle à Adam et Eve : Vous pouvez manger de tous les fruits du jardin, excepté de celui d’un seul arbre (l’arbre de la connaissance du bien et du mal). Le serpent va commencer par remettre en cause cette règle : « Dieu a-t-il réellement dit… ? » Comme Eve se souvient parfaitement de ce que Dieu a dit, le serpent contre-attaque en contestant les conséquences. Selon lui, contrairement à ce que Dieu a dit, Eve et Adam ne vont pas mourir s’ils mangent du fruit défendu. Au contraire, leurs yeux vont s’ouvrir et ils vont devenir comme des dieux ! La suite montrera que si le couple n’est pas mort sur le coup, il est désormais voué à la finitude et la connaissance à laquelle il accède lui apporte surtout beaucoup de malheur. Du vrai et du faux se mélangent pour créer la parfaite fake news !
Rappelons que « fake » (dans « fake news ») c’est l’idée d’imitation, de contrefaçon. Ce qui suppose l’intention de tromper. Or n’était-ce pas ce que cherchait à faire le serpent ? Et Dieu, quelles sont ses intentions à notre égard ? Par extension, quelles sont les intentions à ceux à qui nous accordons de l’attention et du crédit ? Sommes-nous certains que nous ne nous attachons pas qu’à des discours qui nous disent ce que nous voulons entendre ?
Car nos croyances ne se construisent jamais sur un terrain vierge. Notre culture, notre éducation, notre expérience mais aussi nos désirs les plus cachés nous influencent. Eve a eu le temps d’observer que le fruit est beau et il lui semble bon. A cela le serpent ajoute qu’il apporte de la connaissance. Mais Eve semble déjà sensible à l’attrait du fruit. Le serpent ne ferait alors que la conforter dans son désir, amollissant son sens critique en lui disant ce qu’elle a envie d’entendre.
Les mêmes penchants traversent, encore aujourd’hui, notre nature humaine. Et le parallèle avec les fake news montre que les défis demeurent inchangés : l’importance de ce que nous croyons a toujours autant de conséquences et s’informer sur ce qui est juste et bon réclame temps et investissement. Dans un monde où l’information est aussi foisonnante que nos agendas sont remplis, on est tenté de faire l’économie de la vérification, du recoupement et de la quête d’indices. Pourtant, ce n’est qu’à ce prix que nous pouvons préserver un capital intellectuel et spirituel qui nous aidera à éviter les impasses de l’existence.