La grand-mère et le jeune africain

12 mai 2019 - 29x
 
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Claire Bernole
 
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C’est un conte qui a tout de vrai ! Mon premier personnage est une dame. Elle a 79 ans, et une enfance qui remonte aux années 1940-1950. En ce temps-là, les mineurs avaient moins de droits que de devoirs. Leur avis importait peu, leur parole n’avait pas vraiment de valeur. L’important étant qu’ils obéissent. Quand on est presque octogénaire et qu’on a vécu en France, on a connu la guerre, ses risques, ses privations. La vie quotidienne s’en trouve taillée dans l’étoffe de la sobriété, honnissant le manque, bannissant le gaspillage. Là-dessus, le XXIe siècle et les leçons tirées d’une consommation outrancière nous ont appris à chérir notre capital santé, à équilibrer nos repas, à manger cinq fruits et légumes par jour et à faire du sport. Autant de modes désormais ordinaires.

Mon second personnage est un réfugié africain de 17 ans. Dans son pays d’origine, ceux qui auraient dû l’éduquer, le soigner, le protéger n’ont pas été ou n’ont pas pu être là pour lui. Il a fallu travailler très tôt, apprendre à encaisser les coups beaucoup plus tôt encore, fuguer pour les éviter, espérer trouver de l’embauche à la ville et finalement, revenir dans ce chez soi qui n’a rien de douillet ni de sécurisant parce que, décidément, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Précocement, l’enfant a fait le tour de ses forces, exploré ses limites et sait qu’il ne peut compter que sur lui. Son indépendance ? Il ne l’échangerait pour rien au monde ! Elle est devenue son or quotidien, à défaut du pain.
La générosité, la droiture, la confiance ont amenés la grand-mère et le jeune garçon à vivre sous le même toit. La première a ouvert sa porte au second. Mais la promiscuité rend toujours plus complexes des rapports mêmes bien cadrés. Le jeune se demande pourquoi devoir sans cesse justifier ses horaires ? Accepter de manger jusqu’à la dernière goutte une soupe qui, paraît-il, fait du bien mais dont le goût demeure, cuillerée après cuillerée, étrange et étranger ? Pourquoi ne pas acheter ces tomates si juteuses juste parce qu’on est en janvier alors que les étals en proposent toute l’année ? La vieille dame, quant à elle, s’inquiète : pourquoi ne raconte-t-il rien de lui alors que je l’invite à le faire ? Pourquoi semble-t-il si rebelle, enclin à faire les choses par lui-même, quand je me soucie tant de son état ? Chaque protagoniste considère son attitude comme normale.

L’un a-t-il plutôt tort et l’autre plutôt raison, ou chacun n’est-il capable d’agir que dans la perspective que lui donne son histoire, sa vie, son éducation, les événements qu’il a connus ? Pourtant, à moins d’être parallèles (ce qui n’est pas le cas ici !), les trajectoires peuvent toujours se croiser. C’est l’amour, qui s’est exprimé au travers d’un accueil généreux et de son humble acceptation, qui a permis ce rapprochement. Faire vivre au jour le jour ce lien qui nous permet de rester proches d’autrui sans abdiquer notre dignité et sans piétiner la sienne, voilà un défi auquel nous sommes tous confrontés. Pour le relever, il faut avoir une bonne raison de transcender nos plus étroites appartenances et de baisser notre garde. Cette grand-mère et ce jeune africain ont en commun un Dieu qui les dépasse. Leur relation me rappelle où puiser l’amour suffisant pour inventer une façon d’être, de vivre ou de travailler ensemble qui ne soit ni un rapport de force ni de la faiblesse.
 
 
 

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