La vraie vie
13 janvier 2019 - 19x
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Il arrive que des questions métaphysiques s’invitent dans les dîners. Ainsi me suis-je récemment retrouvée entre deux amies débattant ardument de ce qu’était la « vraie vie ». La première habite dans un quartier malfamé. Elle est inquiète de l’influence que cela peut avoir sur ses enfants. La seconde argue qu’il ne faut pas surprotéger ses enfants et accepter qu’ils soient un jour ou l’autre confrontés à des difficultés. Voilà la « vraie vie », paraît-il.
Cette idée m’a d’abord fait sourire. S’il y a une vraie vie, alors il en existe aussi une fausse. Et qu’est-ce que la « fausse vie » ? De la définition que mes amies donnent de la vraie vie, je déduis que la fausse vie serait une vie où on évite les obstacles, où on n’a jamais de problème et où on ne sait pas ce qu’est la souffrance. Mais… avouons que nous sommes nombreux à rêver d’une telle vie ! Aussi, quand j’entends quelqu’un dire qu’il faut de tout pour faire un monde, j’ai plutôt tendance à m’empresser de rappeler que, pour ma part, je me passerais bien volontiers des maladies, des accidents, de la pauvreté et de la bêtise.
Il y aurait donc une vraie vie, qui se confronterait courageusement aux éléments, et une fausse vie, étouffée dans la ouate moelleuse du confort, de la richesse, de l’ignorance. Peu de parcours se déroulent pourtant en ligne droite, et ce quel que soit le milieu dont on est issu ! Et même s’il est certain qu’il est des situations plus enviables que d’autres...
Je me suis alors demandé ce que je considérais, moi, comme la « vraie vie ». J’habite un quartier tranquille et n’éprouve pas le besoin de déménager dans une banlieue dite sensible pour goûter à cette « vraie vie ». Où que l’on soit, les vicissitudes de l’existence savent nous trouver – et si elles vous cherchent en vain, alors tant mieux ! Personnellement, je trouverais parfaite une vie sans violence, sans douleur, sans obstacle… Pourtant, quelque chose du discours de mes amies continue à résonner en moi : est-ce vraiment vivre que d’être voué à une destinée lisse, sans aventure, sans imprévu, sans dérangement ? Pour autant, je ne puis me résoudre à penser qu’on existe « vraiment » dans les épreuves !
Qu’est-ce qui peut donc faire la saveur d’une vie vraie, authentique, riche, qui nous fait grandir de l’intérieur et ouvre sans cesse des perspectives nouvelles ? A celui qui croit, Dieu propose une éternité sans aucune forme de mal mais aussi sans ennui. Ce qui me fait croire cela, c’est que la vie éternelle que nous décrit la Bible n’est pas centrée sur l’individu mais sur la relation à l’autre, voire au Tout autre qui est Dieu. En ce sens, la « vraie vie » serait une vie qui sait accueillir la différence – celle de mon prochain, de mon voisin, de mon ami ou de celui que je ne connais pas encore. La vraie vie, c’est pour moi une vie qui cherche à construire quelque chose à partir de ce que cette différence produit en moi. La vraie vie serait alors tissée de toutes les relations que nous entretenons avec les autres. Et plus ces relations sont vraies, plus notre vie l’est aussi !