Du miracle et de la souffrance
17 juin 2018 - 18x
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Albert Einstein a écrit : « Il y a deux façons de voir la vie, l'une comme si rien n'était un miracle, l'autre comme si tout était miracle. » Alors je repense à toutes ces fois où il m’a semblé que ma prière restait sans réponse. A toutes ces fois où j’ai demandé un signe. Et plus ce sera spectaculaire, plus on s’imagine que ce sera « la » réponse qu’il nous faut. Et plus on y pense, plus on se dit que « la » réponse qu’il nous faut doit forcément être spectaculaire. N’est-ce pas ça, par définition, un miracle ?
J’ai dans l’idée que nous avons plus ou moins tous, un jour ou l’autre, espéré le miracle qui allait nous faire sortir de la crise. Croyants comme non-croyants, chacun peut à mes yeux être tenté par l’espoir d’une réponse extraordinaire dans une situation extraordinaire. Pour les plus farouches, cette attente peut même cristalliser les tensions et se transformer en un défi lancé au ciel. Bref, nous traversons tous des situations qui nous amènent à faire appel à l’impensable, à l’impossible, à l’espoir d’une faille dans le réel qui rendrait l’Infini sensible à nos requêtes formulées au coeur de la douleur.
Faut-il oser y croire ? Dans les épreuves, il n’est pas de solution qu’on dédaigne. Même si la probabilité de leur succès est mince, il devient raisonnable de faire flèche de tout bois. Parfois le spectaculaire est au rendez-vous. D’autres fois ce n’est pas le cas. Etrange, surtout si l’on considère que Dieu est le même à travers les âges… Mais vous aurez remarqué que je parle de « spectaculaire » et non de « miracle ». Car qui dit qu’aucun miracle ne s’accomplit même si on ne reçoit pas l’exaucement attendu ?
Dans la nuit noire du deuil, rendue plus profonde encore par l’injustice de la mort de son enfant, j’ai vu l’une de mes amies tâtonner sans parvenir à avancer. Certains diront que pour elle, le miracle ne s’est pas accompli et en un sens, mais en un sens seulement, ils auront raison. Un temps, l’espérance de cette amie a fui dans une hémorragie impossible à juguler. Le mot même, « espérance », était devenu vide de sens. Pourtant, d’autres enfants sont venus. Bien sûr, ils ne remplaceront jamais celui qu’elle a perdu. Ils sont seulement le signe qu’une autre réponse est possible. Une autre réponse que celle qu’on attendait au moment où on l’attendait. Comme un fil fragile à extraire d’une pelote.
Dans le retour d’un sourire, il peut y avoir une forme de résurrection. Dans une parole prononcée à propos, il peut y avoir un miracle. L’exemple de cette amie me pousse à croire que quelle que soit notre impasse, notre souffrance, Dieu a un message pour nous. Dans un choix courageux et risqué, aurons-nous la force de nous rendre accessibles à ce message ? D’avancer, grâce à ce miracle qui n’est pas celui que nous attendions, mais qui nous place au-dessus du tumulte qui gronde ?
Jésus a beaucoup guéri. Pourtant, il est mort en souffrant. Ces deux aspects sont emblématiques des paradoxes auxquels il nous faut faire face dans la vie. Parce que la vie n’est pas juste, comme nous aimerions à le croire pour lui donner un sens. Heureusement, là encore – ultime miracle – Dieu se montre présent, partageant douleurs et joies à nos côtés. De cette présence peut alors renaître une espérance.