Nouvelle vie ou vie nouvelle ?
05 mai 2019 - 25x
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Après 25 ans de prison, la Cour d'appel de Bourges a accepté la demande de remise en liberté de Jean-Claude Romand. Pour mettre fin à une vie d’imposture et de mensonges, l’homme avait tué cinq membres de sa famille en 1993 et avait vraisemblablement le projet de se suicider ensuite. Un ultime geste qu’il n’accomplira finalement pas. En prison, selon le témoignage des aumôniers qui l’ont régulièrement visité au cours de ces longues années, il s’est converti à la foi chrétienne. Peut-on croire à la rédemption d’un meurtrier ? Une autre vie peut-elle s’ouvrir à lui ?
Changer de vie. Sans passer par la case prison, c’est un rêve, une aspiration, une espérance qui peut un jour attirer beaucoup d’entre nous, de l’effleurement à l’obsession. Mais peut-on réellement entamer une nouvelle vie comme on entame nouveau livre, ou n’écrivons-nous jamais qu’un chapitre supplémentaire, dans la continuité du passé ? Cette nouvelle vie peut-elle être complètement déconnecter de la précédente ?
Dans ce cas, dès qu’une vie ne nous convient plus, nous pourrions faire peau neuve et renaître, tel un phénix, dans un autre univers. Comme si ce n’était plus la même personne qui habitait la durée de cette existence terrestre qu’on ne peut pourtant pas fragmenter… C’est bien le même corps qui continue de vivre. Qui porte peut-être même, et pour longtemps, les stigmates, les marques de son histoire. Une histoire qui n’appartient qu’à lui et qui a contribué à le façonner.
Alors cette nouvelle vie est-elle impossible à trouver ? Une illusion ? Une fiction ? Les évangiles ne manquent pas d’ambition quand ils annoncent que cette nouvelle vie est déjà possible ici et maintenant ! Est-ce une fake news ? Une déception de plus ? Les témoignages ne manquent pourtant pas pour prouver qu’il est possible de changer du tout au tout : de Zaché le collabo, percepteur d’impôts corrompu, à la Samaritaine, à la vie affective malheureuse et dont le statut social est peut-être un des plus précaires, la Bible déploie plusieurs exemples de vies renversées et renversantes grâce au Christ, qui est au cœur de ces récits.
C’est vrai. Mais on ne parle pas tout à fait de nouvelle vie, si on y regarde de plus près. C’est bien plus que cela ! C’est plus que cela parce que le Christ reçoit chaque personne, nous reçoit tels que nous sommes au moment où nous nous présentons. Il nous accepte avec notre passé, notre passif. Il ne vient pas créer encore plus de rupture dans notre vie mais il vient suturer nos déchirures, pacifier nos blessures, donner du sens à notre présent. Alors nous pouvons imaginer un avenir différent, infléchir les événements en cours. En Jésus, nos fragments de vie sont réunis, relus par des yeux neufs, retravaillés, potentiellement couturés, par le pardon et la grâce. Celui que nous étions hier n’a pas disparu mais il n’empêche plus à celui d’aujourd’hui d’être et d’advenir encore jour après jour.
Ce n’est pas une vie vierge de toutes les expériences passées qui s’offre à nous mais une voie dégagée pour que les histoires les plus tristes, les plus violentes, les plus injustes cessent de se répéter. En ce sens, l’Évangile ne propose pas une nouvelle vie – une de plus, où nos efforts courent le même risque de rester vains ; où notre fragilité, notre faiblesse, notre incapacité menacent à tout instant d’anéantir l’espoir qui vient de luire. Non, l’évangile ne propose pas une nouvelle vie mais une vie nouvelle. Une vie rafraîchie, vivifiée, remise en perspective.