Tout va bien
30 juin 2019 - 12x
Partager
« Tout va bien. » Cette phrase, nous nous entendons la dire alors que tout ne va pas forcément bien dans notre vie. Mais par souci de rester politiquement correct, par pudeur ou pour ménager notre interlocuteur, nous répondons à un banal « ça va ? » par un « tout va bien » que nous espérons convaincant à défaut d’être convaincu…
Affirmer que tout va bien peut aussi être ou devenir une croyance persistante, inébranlable. Ce n’est plus seulement une réponse de circonstance, c’est la toile de fond de notre vie. Maintenir que tout va bien quand tout va mal, ou du moins que tout ne va pas bien, n’est-ce pas une façon de conjurer le sort ? Une sorte de méthode Coué : en répétant et en continuant à prétendre que tout va bien, c’est faire en sorte que les choses continuent d’aller bien ou en tout cas d’aller tout court. C’est refuser de se laisser interpeller, refuser le changement, refuser l’inconnu. C’est aussi prendre le risque d’être un jour rattrapé par la réalité que nous cherchons précisément à fuir ou à maîtriser – ce qui peut revenir au même.
En 2006 sortait le film de Philippe Lioret, Je vais bien, ne t’en fais pas. Il racontait l’histoire d’une jeune fille recevant des lettres de son frère qu’elle aime tant et qui a quitté le domicile familial sans explication. Ces lettres se veulent réconfortantes et permettent à la jeune fille de surmonter le vide de l’absence. Jusqu’au jour où elle découvre que ce n’est qu’un simulacre, destiné à la rassurer. Un monde s’écroule.
La Bible est pleine de récits de personnages dont le monde s’écroule aussi parce que ce qu’ils ont toujours cru, ce qu’ils ont toujours eu, ce qu’ils ont toujours espéré disparaît. Parce que leurs rêves, leurs projections, leurs plans, leurs représentations des autres et de leur environnement s’évanouit. Comme Goliath ou Samson qui avaient l’habitude d’être systématiquement les plus forts. Comme Job, qui se retrouve en peu de temps injustement dépossédé de tout, y compris même de sa famille. Comme les disciples de Jésus qui pensaient qu’il était venu instaurer un royaume terrestre. Comme Naaman, qui a poursuivi son dessein d’extermination du peuple juif sans voir qu’il se condamnait lui-même. Comme Saphira, qui a pensé qu’elle pourrait tromper son église.
Qu’ils se tournent ou pas vers Dieu – et c’est peut-être cela le plus étonnant – tous ces personnages ont en commun de voir leur vie et l’idée qu’ils s’en faisaient englouties dans un destin tragique. Tragique, mais pas toujours fatal. Ceux qui s’accrochent à Dieu malgré les épreuves et reconnaissent leur fragilité, ceux qui ont le courage de reconnaître que décidément, non, tout ne va pas bien, s’en sortent. Job en est l’exemple même mais on pourrait aussi citer Élie, un prophète célèbre de l’Ancien Testament qui connaît une sévère phase de dépression et d’autres encore !
Parfois dans notre vie, tout ne va pas bien ; et persister à dire que c’est le cas peut n’être que le signe d’un mal-être plus profond encore. Quand nous sentons l’effondrement, il ne s’agit pas de continuer à dire que tout va bien. Plutôt de croire que la grâce de Dieu peut nous relever de nos ruines. Le chrétien n’est pas toujours épargné par le sort, il ne vit pas sa vie sous cloche, mais il a pour lui cette assurance qu’aucun effondrement n’arrivera à bout du projet que Dieu a pour lui.