Riches ou inquiets de nos différences

03 décembre 2017 - 24x
 
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Claire Bernole
 
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On la loue, on la célèbre, on la chante : la différence est une richesse que politiques et artistes (pour ne parler que d’eux) s’accordent à valoriser. Du moins dans les discours. Et à condition qu’elle ne dérange pas trop. Mais qu’est-ce qu’une richesse dont on limite la portée ? Une qualité est-elle vraiment une qualité quand on lui impose de rester dans un cadre restreint ? On peut s’interroger… De fait, c’est aller un peu vite en besogne que de déclarer sans autre développement ou sans lien avec l’expérience que « la différence est une richesse ». L’expression est si galvaudée qu’elle ne vaut plus que pour elle-même, on oublie ce qu’elle recouvre potentiellement.

Et que recouvre-t-elle, justement ? D’abord que la différence est une source de tensions, sinon de conflits. Nous le vivons tous à des niveaux plus ou moins profonds avec notre conjoint, notre entourage, nos collègues. Nul besoin ici d’aller convoquer la figure de l’étranger croisé lors de nos lointains voyages. La différence s’exprime ici et maintenant, juste à côté de nous, et comme je le disais, elle est en premier lieu l’expérience du dérangement.

En effet, c’est toujours plus compliqué de fonctionner avec d’autres références, d’autres codes, d’autres coutumes que ceux qui nous paraissent si naturels – parce qu’ils sont dominants dans notre culture ou tout simplement parce que ce sont ceux avec lesquels nous avons grandi. Ainsi, j’ai eu l’occasion d’échanger avec des familles qui ont accueilli des migrants et les heures des différents repas, l’odeur de la nourriture, la nécessité d’expliquer pourquoi certaines denrées se trouvent sous plastique… Tout cela a rendu le quotidien difficile. Il a fallu se connaître et s’accepter avant d’éprouver du plaisir à être ensemble.

Ce chemin prend du temps. J’aime que l’autre le fasse vers moi. Je dirais même plus : dans la plupart des cas, je trouve normal que l’autre le fasse vers moi. Je ne l’envisage pas autrement. Mais si je m’investis, je ne vais pas seulement aller à la rencontre de mon interlocuteur. Je ne vais pas lui faire économiser la moitié du trajet. Au contraire, nos parcours vont se mêler plus intimement, nos décalages vont se multiplier et diminuer à la fois grâce à la dynamique de partage à laquelle nous aurons tous deux souscrits. A force d’observation, de discussions, de débats peut-être aussi, le déphasage qui nous séparait peut devenir notre espace commun, un monde habité par notre désir, notre curiosité, notre capacité à élargir nos vues.

Alors la différence peut constituer une richesse, mais elle ne se donne pas comme telle. Ce serait plus simple si tout était plus immédiat, et pourtant bien moins intéressant car nous n’aurions plus à faire l’effort de sortir de nous, de chez nous. « Elargis l'espace de ta tente ; qu'on déploie les couvertures de ta demeure : Ne retiens pas ! Allonge tes cordages, et affermis tes pieux ! », écrit le prophète du Premier Testament, Esaïe. Cette image est certainement moins parlante qu’à l’époque où il écrit et où la vie nomade est encore d’actualité. Mais elle est toujours valable. Pour que la différence soit réellement une richesse, nous ne pouvons renoncer à ouvrir les portes de notre intériorité et à être transformés. Y sommes-nous prêts ?
 
 
 

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