La voix du père
08 septembre 2019 - 29x
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Je n’ai jamais demandé à avoir un vélo. Ni le premier, sur lequel j’ai appris à pédaler à contre cœur, ni le deuxième. Mais mon père s’était mis en tête qu’il était temps que je sache tenir l’équilibre sur autre chose qu’un tricycle. Puis, aimant lui-même le vélo, j’en déduis que l’achat d’un VTT, quand j’étais adolescente, n’était pas dénué d’arrière-pensée. Sans doute espérait-il, même s’il ne l’a jamais dit, que je l’accompagne de temps en temps dans ses sorties. Et c’est bien ce qui s’est passé. Moitié pour lui faire plaisir, moitié parce que j’ai toujours aimé les destins hors du commun, je lui disais que plus tard, je remplacerais Janie Longo. J’étais loin de me douter, alors, qu’à défaut de faire carrière dans le cyclisme, le vélo me ferait vivre un jour, beaucoup plus tard, une grande et belle aventure. Pour l’heure, j’avais 12, 13, 14 ans, et j’allais avec mon père sur les chemins.
Parfois, j’entendais sa voix, derrière ou devant moi, prodiguer quelques conseils sonores (dans le double espoir que je les entende et que j’en tienne compte) : « Change de braquet », « Freine », « Pousse sur les pédales »… Quand il y avait de la pente, il me recommandait de pédaler un peu, de façon à ce que mes muscles ne se refroidissent pas complètement. Quand certaines côtes m’impressionnaient ou me décourageaient, il était là pour me dire que s’il y arrivait, moi qui étais plus jeune j’y arriverais aussi sans aucun doute ! Jusqu’au jour où j’ai été trop grande pour mon vélo et trop occupée par de nouvelles activités pour continuer les sorties avec mon père. C’est ainsi que le flux de la vie se transforme en souvenirs.
Dans quel but vous raconter tout cela ? Vous allez bientôt le comprendre… Cet été, je suis partie à vélo pour une semaine de randonnée. Le troisième vélo de ma vie, c’est donc moi qui l’ai acheté, de mon plein grès, en vue de réaliser ce projet. Sur la route, comme vous pouvez l’imaginer, un millier de situations différentes se sont présentées : des passages difficiles, des efforts que je n’avais pas anticipés, des côtes qui m’ont impressionnée et parfois découragée, de longues pentes où il m’a fallu pédaler pour maintenir mes muscles échauffés… Je me suis rendu compte que dans nombre de ces cas de figure, les conseils de mon père me revenaient. Le contexte réactivait les souvenirs. Des souvenirs que je n’avais même pas conscience d’avoir ! Quand une voix nous est familière, on la reconnaît facilement, même si on ne l’a pas entendue depuis longtemps.
La voix du père, voilà une image qui parlera à beaucoup de chrétiens. C’est un peu la même idée qui s’exprime dans les histoires de la Bible mettant en scène « le bon berger ». Plus la voix de Dieu nous est familière, autrement dit plus nous avons saisi les occasions de la connaître, de l’entendre, d’en mesurer l’écho dans nos vies, mieux nous arrivons à la distinguer entre toutes au moment nous avons besoin d’un éclairage dans notre parcours de vie.
Pour ceux qui n’auraient pas eu une bonne expérience du père, et qu’un Dieu presque exclusivement présenté sous des traits masculins attire et sécurise peu, je tiens à rappeler que la Bible nous parle aussi de Dieu à travers de nombreuses images féminines. Une façon de nous dire qu’il a de quoi surprendre chacun de nous !