La justice d'abord !
07 mai 2017 - 26x
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La consommation des pays riches menace les ressources de la planète. Le réchauffement climatique fragilise l’habitat des populations qui vivent dans les îles du Pacifique sud. La guerre jette sur la route de l’Europe de plus en plus de familles en exil. Le monde est en train de changer. Non seulement ce n’est pas réjouissant mais pour nous qui vivons dans le confort occidental, ce n’est pas une bonne nouvelle. Les bouleversements qui marquent notre époque menacent notre sécurité, nos intérêts et notre bien être.
Mais la vérité, c’est que nous refusons de remettre en cause nos modes de vie, c’est-à-dire (un peu schématiquement) de consommer moins et de partager plus. D’une part ce tournant a un coût, matériel et psychologique. D’autre part, nous estimons que nous avons durement, chèrement gagné ce que nous possédons. N’avons-nous pas travaillé pour cela ? Il nous paraît dès lors absolument justifié de protéger nos terres, notre patrimoine, nos familles de toutes pressions venues de l’extérieur.
C’est oublier que dès la naissance, seul le hasard nous dote. Nous sommes le fruit d’une combinaison génétique qui a émergé parmi des centaines d’autres sans mérite particulier. Nous avons eu la chance de grandir, aimer et travailler dans un pays où les supermarchés sont approvisionnés en permanence, où même les plus pauvres ont accès à des soins de santé, où on peut généralement sortir dans la rue sans craindre la fréquence des agressions… Dans la tiédeur du confort matériel, nous avons oublié que rien de tout cela ne nous appartenait et que nous étions simplement bénéficiaires d’un heureux hasard. Si on peut considérer que chaque individu, riche ou pauvre, brillant ou moins intelligent, est responsable de la direction qu’il donne à son existence, il faut reconnaître que la donne de départ est arbitraire.
Dès lors, ce que je percevais comme un droit pour moi : une famille, une maison, un travail, devient un droit pour tous. Et comment refuser de partager des biens – matériels ou immatériels comme la paix, la liberté… – dont je sais qu’ils ne me reviennent pas parce que j’ai démontré des mérites supérieurs à ceux des autres ? En cela, la justice sociale a une dimension universelle.
Ce n’est pas une coïncidence si le Christ nous invite à « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice ». Pourquoi ne dit-il pas : « le royaume de Dieu et l’amour » ? « le royaume de Dieu et le pardon » ? « le royaume de Dieu et sa paix » ? Il sait que la justice conditionne ces autres valeurs. Cependant, si on peut considérer que l’amour et le pardon peuvent, doivent nous conduire à dépasser les injustices qu’hélas nous vivons tous, il n’en va pas de même pour la paix. La paix n’est possible que lorsque justice a été rendue, que cette justice soit effective ici et maintenant ou qu’elle soit de l’ordre du symbolique ou de la promesse.
Jésus attire ici notre attention sur ce qui doit être pour chacun une priorité, parce que notre façon de vivre avec Dieu et avec les autres va en découler. Passer à côté de la justice, c’est croire en ses propres mérites et nier sa fragilité. Finalement, c’est dire au Christ que nous n’avons pas besoin de lui. A l’inverse, pratiquer la justice sous toutes ses formes, c’est donner un contour et une contenance à son royaume.