Zone de sécurité
19 mars 2017 - 27x
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La sécurité est un besoin primaire de l’être humain ; parmi les plus instinctifs dans le sens où nous aspirons tous à la sérénité d’une vie anténatale. C’est aussi un besoin élaboré, car il peut impliquer des schémas complexes de protection.
Même celui qui se confie en Dieu a besoin de sécurité. Vous avez peut-être déjà entendu, comme moi, des croyants demander à Dieu d’éloigner le malheur et les difficultés. Une solution bien pratique, qui donnerait au christianisme un avantage évident si tous ses adeptes se trouvaient épargnés par les épreuves. Mais la foi n’est pas une garantie qui nous met sous cloche. Elle n’ouvre pas devant nous un couloir humanitaire nous permettant de traverser l’existence sans heurt et sans dommage. Nous sommes pris dans un maillage commun : les mêmes problèmes et les mêmes questions se posent à tous. Ce sont nos réponses qui diffèrent.
Je me souviens d’un trajet en voiture, il y a longtemps. A bord : de la famille et des amis. Nous roulons à une allure plus que raisonnable sur une petite route de montagne à double voie. En contre bas, le vide. A notre droite, le rouge de la roche escarpée. La montée, les lacets, le manque de visibilité nous contraignent à la lenteur. Quand soudain surgit derrière nous un véhicule pressé, son chauffeur cherche à doubler à tout prix. Il accélère, déboîte, mais une fois à notre hauteur, voilà qu’une troisième voiture arrive en face. Par réflexe, pour l’éviter, le conducteur impatient se rabat sur nous. A notre tour, nous nous déportons vers la droite. Vers le rocher. « Coup de chance », il forme à cet endroit comme une alcôve de pierre. Le renfoncement de la montagne nous permet d’échapper au choc et de nous arrêter pour nous remettre de nos émotions. La voiture folle a eu le temps et la place de freiner. Elle a à peine touché le véhicule qui arrivait en sens opposé. Seul l’un de ses occupants saigne du nez.
Comme dans un match de boxe, le coup est passé tout près mais il n’y a pas eu de drame. En quelques occasions de la vie j’ai pu constater que Dieu ne m’avait pas extraite de la situation difficile dans laquelle j’étais, mais qu’il ne m’avait pour autant oubliée. Au bout des événements, je me relève, je me palpe, je me secoue : je suis bien là, tout est en place.
C’est toujours un effort de ne pas laisser mes peurs dicter ma conduite. Cela restera sans doute un exercice jusqu’à la fin de mes jours. Mais chaque fois, j’apprends un peu plus, un peu mieux à être sereine même si mon environnement ne l’est pas.
Dans les évangiles, Jésus ne donne pas une description guillerette et fleur bleue de la vie chrétienne. A plusieurs reprises, il emprunte à l’Ancien testament l’image du berger et de son troupeau. Comme des brebis au milieu des loups, ceux qui croient sont exposés à des dangers. Pour autant, ils ne sont pas sans protection. C’est la présence du berger qui fait la différence. Ma zone de sécurité, ce n’est pas le périmètre sur lequel il n’y a pas de prédateur, pas de problème. C’est le périmètre dans lequel je me sens proche de mon berger. Le véritable défi ne consiste pas à chasser les loups mais à entretenir une relation de proximité avec Dieu, indépendamment des circonstances.