Mon cher Jean Philippe, alors que les premiers mois de l’année, en règle générale, nous glace le sang et perturbe nos sorties en voiture ou en trottinette, il m’a semblé bon et utile de nous réchauffer avec une musique qui a une âme et qui dégage plein de bonnes choses positives.
Quoi de mieux alors qu’un bon vieux gospel !
Pour ce début d’année, je propose 5 chroniques musicales sur une thématique gospel qui s’étaleront sur les 5 prochaines semaines.
5 chapitres pour raconter un genre qui reste assez populaire en France avec tout d’abord et pour aujourd’hui : l’origine du gospel qui fera office d’introduction.
Une genèse et une classification plus approfondie des composantes du gospel suivront la semaine prochaine.
Il sera impossible de ne pas parler du traditionnel « Amazing grace ». Et puis nous terminerons avec un portrait d’Andrae Crouch, un de ses plus illustres représentants, décédé il y a 6 ans, un 8 janvier et avec, enfin, le sujet des chorales gospel.
Le bonus étant d’avoir la possibilité, à tout instant, de réécouter des chroniques anciennes sur ce sujet : celles d’« Oh when the saints » et « Oh happy day », disponibles sur notre site dans la rubrique des podcasts musique.
Alors venons en tout de suite à ce premier épisode : la naissance et l’origine du gospel…
J’aurais pu tout à fait résumer cela en disant que c’est une culture musicale, née il y a plusieurs siècles, qui n’est pas restée enfermée au fil du temps dans un seul style musical. On pourra parler de gospel urbain, de soul gospel, de gospel blues, acapella, gospel jazz, etc…
De nombreux récits racontent qu’au tout début on ne disait pas Gospel mais « Go and spell », « Go » qui signifie « Allez ! » et « Spell » qui veut dire « Répandez », autrement dit : « Allez et dites-leur ! » qui devint plus tard Gospel, ce qui signifie : « Bonne nouvelle ».
Ce « Allez et dites leur ! » nous renvoie, pour celles et ceux qui connaissent un peu la bible, à cette parole de Jésus s’adressant aux disciples que l’on trouve dans des textes des évangiles, notamment dans ceux de Marc et Matthieu où il est écrit : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création ! » ou dans un français plus courant « Allez dans le monde entier annoncer la Bonne Nouvelle à tous les êtres humains. »
Mais pour cette origine du mot gospel, d’autres mettent en avant la volonté de Dieu de communiquer, en rappelant que le terme Gospel vient de « God / Spell », ce qui signifie « Dieu parle ».
Voilà une question sur laquelle nous ne trancherons pas aujourd’hui de toute façon.
L’année 1612, certains évoquent plutôt 1619, est une date de sinistre importance, puisque c'est là que le trafic d'esclaves noirs en Amérique du Nord commence.
Il faut rappeler, au passage, qu’un esclavage beaucoup plus long et tout aussi violent avait existé déjà et perduré depuis très longtemps, dès le 7° siècle en gros dans les sociétés musulmanes africaines et ottomanes.
Avec des esclaves employés dans l'irrigation, l'exploitation minière et l'élevage, en tant que travailleurs domestiques, gardiens et concubines mais aussi soldats : les fameux et redoutables janissaires turcs par exemple.
Concernant les origines de la musique gospel, on est sur la période pas du tout glorieuse de l’esclavage dit blanc où, avec d’autres, notre pays s’illustra avec beaucoup de zèle, jusqu’à l’abolition de l’esclavage définitive en 1848 pour la France, en 1833 pour l’Angleterre et tardivement, en 1863 pour les États-Unis, qui coïncide avec le milieu de la sanglante guerre civile de sécession.
Les premiers esclaves, estimés à environ 400 000 arrivent de l'Afrique dans les treize colonies du sud et de l’est des Etats-Unis. Il faudrait ajouter à cela les nombreuses pertes humaines dues aux naufrages, aux rébellions bien légitimes et aux maladies, lors des transports qui s’effectuent dans des conditions terribles. En fait, on estime que durant toute la traite négrière, ce sont de douze à quinze millions d’africains qui sont déplacés, déportés par les pays du vieux continent. (Portugal, Espagne, Hollande, Grande-Bretagne, France, Italie, Suède et Danemark)
Les esclaves, essentiellement issus des côtes de l’Afrique de l’ouest, avaient leur culture, leur tradition et leur croyance. Du matin au soir, souvent de 12 à 15 heures par jour, ils vont se mettre à travailler dans des champs de coton sur le rythme de leurs Worksongs et de leurs Hollers ou fields hollers littéralement : les cris dans les champs C. H. A. M. P. S.
Le « Worksong », en français le chant de travail, est un chant a capella improvisé par un chanteur et repris par un chœur. Le "Holler" est un ensemble de brefs cris et interjections.
Ces esclaves s’ingénient à créer ces nouveaux chants pour communiquer entre eux, et donner des informations codées afin de se prévenir des dangers et d'organiser des évasions.
Le temps passe. Sans oublier leur culture, ils découvrent, puis se passionnent pour la foi chrétienne… Ils se comparent aux Hébreux captifs en Egypte, pensent au peuple d'Israël et rêvent du Canada où l'esclavage est interdit. Ils se mettent à chanter des prières et à improviser des sermons…
Ce mélange de fragments mélodiques connus, de versets bibliques libres parlés ou chantés, et d'interjections de l'assemblée, est appelé alors "Negro-Spiritual".
Au milieu du 19° siècle, l'esclavage est aboli. Dès 1865, les chorales des universités noires chantent le negro-spiritual pour un large public noir.
Au vingtième siècle, les pasteurs itinérants utilisent cette musique pour leurs prédications et l'évangélisation. Le negro-spiritual se modernise.
C'est la naissance du Gospel qui plaît, émeut, et touche par la force de ses mots et le rythme de sa musique. Très vite, il est chanté en concert, devient plus commercial et son public ne cesse de s'élargir. Le révérend Martin Luther King utilisera même ce nouveau style musical pour défendre les droits du peuple noir.
Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui avec ce premier volet qui n’était qu’une mise en bouche !
La semaine prochaine, j’irai un peu plus dans le détail de ce qui a construit le gospel et de son évolution.
On parlera alors de negro spirituals, de gospel traditionnel, de southern gospel, de black gospel et de gospel contemporain.
Lien : The Staple Singers - Wade in the water
https://youtu.be/WDp1v2YgseM>
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